Le Lac de l’Ouest de Hangzhou
Un froid de canard avait décidé de nous tenailler le corps un peu plus en cette journée grise dans la ville légendaire de Hangzhou. La pluie venait de s’arrêter, et une couche opaque recouvrit le Lac de l’Ouest. Les centaines de parapluies se fermèrent tout d’un coup dans un bruit de froissement solennel. On pouvait alors poursuivre la découverte des berges du lac des peintres impériaux, des amoureux de la Chine aux teintes roses, des friands de ballades sur deux roues… Les bras des saules pleureurs effleuraient la tête des marcheurs, plus on avançait, plus on percevait ces petits effleurements comme une affection particulière. Ces magnifiques patriarches protégeaient les sublimes et frêles végétaux aux pétales rosés. Le printemps chinois offrait une beauté inattendue aux visiteurs….des centaines de cerisiers, de pruniers fleuris à la perfection égayaient nos souvenirs olfactifs et optiques. À notre droite, cette mer intérieure semblait prometteuse, elle faisait don de sa beauté tel un paradis dessiné. Les bateaux de bois glissaient sur ce miroir en contournant les lanternes millénaires fièrement postées au milieu de ce légendaire lac…
Tout en gravissant le dernier pont de pierres, les yeux fixés à la toile brumeuse, le chant jovial d’un baryton nous tira de notre hypnose. Là, à quelques mètres, sous un abri au toit en tuiles rouges retroussées, un orchestre improvisé d’anciens amis chantait, pinçait les cordes du violon, aérait les accordéons poussiéreux en transmettant la nuance de leurs époques révolues. Les sourires et les rires complices des musiciens et de leur auditoire rendaient ce concert intime, des plus prodigieux. Sans s’en rendre compte, une chaleur se propagea dans nos corps refroidis. La musique nous réchauffait! Après la musique, la visite de la pagode de Leifeng et de l’école de calligraphie, nous nous dirigeâmes vers l’est du lac.
Tandis que notre chaleur corporelle grimpa tranquillement vers la normale, nous nous décidâmes à aller goûter les spécialités de l’endroit. Pierre-Alexandre s’impatienta dans l’attente de ses langues de canards, tandis que Maude jubilait dans l’appréhension de son plat surprise. Des odeurs de fumet de poisson, de canards enveloppés dans des couches de papier et de terre et de mollusques aux drôles de formes, embaumaient nos narines dégelées. Dans le brouhaha de chinoiseries incompréhensibles, notre serveur déposa les plateaux immenses de notre commande. Nous nous regardions, stupéfaits par l’abondance. Sur les autres tables, des plats tout aussi abondants nourrissaient que deux convives, donc nous en déduisions que les Chinois avaient grand appétit! Pierre-Alexandre grugea jusqu’au blanc des tendons chaque petite langue grillée.
Le ventre légèrement gonflé, nous nous décidâmes de poursuivre notre chemin afin de voir le lac de l’Ouest sous un ciel étoilé. Le froid de nouveau présent commençait à se faire ressentir. Des lanternes rouges plus loin semblaient nous interpeller. En nous approchant d’elles, nous découvrîmes une petite maison traditionnelle sur deux étages, vieil habitat de bois restauré, et à l’intérieur…du thé. Après information, nous réalisons que cette demeure fragile était en fait l’une des plus vieilles maisons de thé de toute la Chine.
Nous marchions toujours sous de magnifiques saules qui se reposaient, leurs bras fournis étaient immobiles, le reflet de la lune brillait sur la berge du lac. Les embarcations tanguaient, accosté au rivage, les derniers marcheurs se laissaient séduire par l’étale du lac endormi. En montant le dernier ponceau tout en rondeur, nous ne pûmes nous empêcher de penser à la légende du Lac… Il y a très très longtemps, dans les temps anciens, un dragon et un phénix découvrirent un jade blanc sur une île déserte. Le dragon le gratta de ses pattes et le phénix picossa de son bec la précieuse pierre. De son royaume céleste, une reine descendit leur voler la pierre devenue perle, mais les amis s’envolèrent jusqu’au Palais Céleste et réunirent leur effort afin de dérober la perle blanche. Celle-ci tomba des cieux et devint un lac d’une extrême beauté. Aujourd’hui les yeux pétillants, ont peut apercevoir au milieu de ce même lac une lumière blanche, et certain soir… près des saules endormis, ont peur y voir parmi ses branches, un phénix renaître de ses cendres et survoler le lac à la recherche de cette même lumière blanche qui scintille tel un jade céleste…
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