Pékin sous des millions de graines de tournesol
Il était cinq heures du matin lorsque le train s’immobilisa durant 4 minutes 36 secondes sur le quai glacial de la gare de Pékin. Tels des petits robots tout droit sortis de Pixar, nous défilions, encore endormis, dans la masse compacte menant à l’entonnoir de la sortie, sous les regards quelque peu interrogateurs des passants. Le ciel encore noir laissait apparaître quelques lueurs orange, la ville se réveillait au pas de tortue. Après un long circuit en taxi à se faufiler à la recherche de notre hutong (ruelle…petits quartiers renfermant des passages étroits), nous décidâmes de faire le reste à pieds. Perdus, frigorifiés, nous enfilâmes nos sacs trop lourds et nos mitaines chaudes et prîmes la direction du premier hutong. Les Chinois nous dévisageaient avec le sourire, ils ne parlaient que ‘mandarin’!Malgré l’abondance d’habitant sortant de chaque porte, de chaque recoin de ruelle, nous nous sentions vraiment seuls au monde…
Xin Tai Cang, dans Dongzhimen.Xin Tai Çang…En entrant dans le hutong, tout le bruit de la grande rue s’estompa…Toits pointus en tuiles d’argiles par centaines, des portes en bois laqué de peinture rouge, des toilettes communes, des maisonnettes grandes comme la moitié d’un salon, des bicyclettes rouillées, des vieillards assis sur le devant de leur maison à jouer aux dames, des tuk tuk improvisés, des Pékinois sur quatre pattes enrhumés gambadant fièrement leur queue touffus en l’air reniflant quelques coins mouillés, des enfants encore endormis, emmitouflés dans des couvertures jaunes, à l’arrière d’une motocyclette prêt à se rendre à l’école…Des cuisines de restaurants à aire ouverte laissant s’évaporer une odeur sucrée, des chats au regard bleu…des chats de gouttière en santé, des chats à la fourrure brillante et à la bedaine engraissée par le léchage de gras de canard…Des commerçants matinaux attendant leur clientèle dans un froid sibérien.
Voilà comment Xin Tai Çang nous apparut la première fois. Un amas d’odeur, d’images colorées, de structures anciennes ramanchées, de visages bridés…photographiés dans notre cortex. Après presque qu’une heure à tourner et revenir sur nos pas, nous trouvâmes enfin la porte de la cour des Mings. Nous pouvions poser nos sacs et nous réchauffer avant de repartir explorer!
La tuque bien descendue sur nos oreilles, nous sortîmes de la cour intérieure et nous partîmes en direction du nord-ouest. On marchait dans les rues, nous suivions la dense circulation jusqu’au Temple des lamas. Ce dernier est un magnifique sanctuaire de bâtiments de bois peinturés, d’un pavillon éternel accueillant une statue de bronze géante, de moulins à prières…un présent d’un empereur mandchou, et maintenant un des derniers refuges du bouddhisme tibétain en Chine. Les quelques moines scrutaient la foule de pèlerins allumant les petits bouts d’encens d’un air serein. Dans le même esprit, nous contemplâmes ces mêmes gens, levant les bras au ciel dans les 6 directions, les bâtons fumant dans le marmonnement de prières incompréhensibles. Nous eûmes alors une pensée pour le Tibet des Tibétains. La journée tirait à sa fin, les pékinois rentraient les oiseaux en cage qui avaient chanté des pinsonnades aux passants.
Dans le noir, les fameuses lampes de papiers rouges pouvaient se compter par milliers le long du boulevard bondé de restaurants. Fondue chinoise, canard de pékin, écrevisses, poissons globuleux juteux….le soir venu, les criards, comme nous les baptisâmes, criaient les spécialités de l’endroit d’une voix suraiguë. Certains restaurants étaient tellement populaires qu’une foule de gens attendaient patiemment dehors, assis sur des chaises blanches, à manger des graines de tournesol par millions dans l’attente d’une table…Et nous, les jambes lourdes, les mains gelées et le ventre gonflé de canard, nous machâmes en respirant l’air humide en cherchant toujours la cour des Ming.
Kim…???
Confucius…?
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