Pique-nique à Tokyo; la cerise sur le sundae

Les parcs de Tokyo s’étaient parés de leurs kimonos fleuris, la saison aux doux parfums de cerisier soulevait la nation et l’appellait hors de sa demeure. Les gens se rejoignaient alors sous les cerisiers afin de discuter de tout et de rien. On y buvait le saké, sans souliers, on y dégustait des rires. Nous fîmes alors la même chose que ces enfants du Nintendo. Nous décidâmes de nous y poser, là, sous un cerisier dont le raffinement interpella notre sens de l’esthétisme.

Nous plaçâmes alors notre nappe rouge sur un sol frais et disposâmes avec attention, nos sushis d’Asakusa. Assied parmi les Japonais, on se délectait de makis, tous plus jouissifs les uns que les autres. L’excentrisme des jeunes décoiffés portant des lunettes sans verre et marchant aux côtés de leur grand-mère en kimono, nous offrait tout un spectacle. Et la scène était d’autant plus incroyable qu’irréelle puisqu’il y avait une pluie…Des centaines de milliers de pétales roses se détachaient des cerisiers, créant cette illusion, mais pourtant réelle, de pluie de pétales. Notre nappe se recouvrit alors de fleurs de cerisiers, donnant tout le cachet à cette scène purement japonaise.

Nous étions assis sur la couverture rouge, les cloches sonnaient presque midi tapant. Le ciel était gris, une odeur sucrée chatouillait nos sens. Tout autour de nous, une foule de petits groupes de Japonais étaient agenouillés sur leur précieuse couverture et attendait la brise. Une brise légère, parfumée, mais surtout douce sur la peau. Au-dessus de nous, le spectacle rose se retenait, immobile. C’est comme s’il patientait, les arbres figés attendaient le vent. Attendait que son auditoire soit fin prêt à savourer le spectacle des majestueux cerisiers. Puis, il commença dans un crescendo-decrescendo enveloppant. On aurait dit qu’il neigeait…des centaines de pétales de cerisiers tourbillonnaient autour de nous en cherchant le meilleur endroit où se poser. On aurait dit que l’on se trouvait en plein milieu d’une boule de cristal enneigée. Celle que l’on agite et où l’on y découvre le village du Père Noël en  pleine tempête de neige. Nos yeux rivés sur le dernier pétale ayant tombé sur notre sac, excités, nous décidâmes donc d’ouvrir notre plateau de délicieux sushis frais. Tout en dévorant les précieuses bouchées, on appréciait le subtil rose des pétales se collant au vert wasabi et aux rouleaux colorés de poissons crus. On tendait l’oreille un peu, seulement le balbutiement d’une langue étrangère nous parvenait. Des Oh!!! Ah!!! d’émerveillement étaient audibles par-ci par là.

En plein milieu du repas, nous vîmes trois jeunes filles déguisées en Gheisa se dandinant la boucle du dos tel un mouvement lent tout droit sorti de l’époque Edo.

Lorsque le repas fut terminé, nous nous levâmes, rangeâmes notre couverture  maintenant rose et pliâmes bagage afin de récolter les montagnes de corolles des cerisiers venus s’échouer sur le sol. Nous marchâmes la bouche ouverte, on goûtait le rose, on rêvait d’éternité…